1907




Dieppe, une colonie anglaise ?
Covered Lawn-tennis and Badminton Club
1908 : la déferlante Bad' sur Dieppe
Les premiers " Internationaux de France" de Badminton
La vie quotidienne au D.B.C.
1909 : Chesterton encore
1910 : Victoire de George Alan Thomas
1911
L'arrivée du Badminton en France en 1898
1912 : Music hall et Badminton
1913
Une mine d'articles sur le bad'
1914-1934 : Un long silence de vingt ans

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Dieppe, une colonie anglaise ?

La Belle Epoque on appelle ça ! Les robes à crinoline, les chapeaux hauts-de-forme et les melons, les De Dion-Bouton, les premiers aéroplanes ... Et déjà du Badminton à Dieppe !

Dieppe a la chance d'être situé, en Normandie, sur la Manche, en face de l'Angleterre. Ce qui n'a pas que des avantages pour les uns ... ni pour les autres. Je t'envoie Guillaume le Conquérant, tu me grilles Jeanne d'Arc. Je te repasse l'Entente Cordiale mais tu me rajoutes le foot-ball, le cricket ... et le jeu de volant, en prime.

Une "rumeur" circulait dans la ligue de Haute-Normandie. Il y aurait eu des "Internationaux de France" de Badminton à Dieppe avant Guerre. Celle des poilus de 14-18. "P'têt' bien qu'oui !" disaient les uns, "Ptêt' bien qu'non !" disaient les autres. On est normand ou on n'y est pas, nom d'un Viking ! Tout le monde espérait bien que oui, mais personne ne voulait s'avancer, se hisser du col ou fouiller dans son grenier.

Rappels historiques mais nécessaires :

1824 : la Duchesse de Berry "invente" les bains de mer à Dieppe. Simultanément le premier bateau à vapeur et à roues traverse la Manche (the "Rapid"). Comme déjà nos prix sont avantageux on assiste à une invasion pacifique de nos cousins d'outre-Manche.

1840 et après. Projet de liaison ferroviaire Dieppe-Paris par Rouen. La compagnie créée pour la circonstance fait appel à des ingénieurs et des techniciens anglais (Mr Newton, ingénieur de la Compagnie, Mr Smith, agent des entrepreneurs). Des spécialistes, quoi ! Spécialistes qui, pour beaucoup, épousent des françaises et s'installent. Inauguration en 1848.

Vers 1872 les Archives départementales de Seine maritime ont trouvé une timide réapparition du jeu de paume dans les stations balnéaires du Havre et de Dieppe.

1877 : la reine Victoria est proclamée Impératrice des Indes.

1886 : construction à Dieppe du troisième casino, luxueux, de style mauresque.

Guerre des Boers (11 octobre 1899-31 mai 1902) entre les colons néerlandais d'Afrique du Sud et les anglais.

La reine Victoria 1ère, Reine de Grande-Bretagne, Impératrice des Indes s'éteint en 1901 après un règne de 64 années. Son fils Edouard VII lui succède. Depuis Fachoda (Soudan, 1898) et l'échec de la mission Marchand, les relations franco-anglaises sont altérées malgré la conclusion de la fameuse "Entente Cordiale" du 8 avril 1904.

Neveu d'Edouard VII, Guillaume II, l'empereur d'Allemagne, éprouve pour la Grande-Bretagne un mélange d'admiration et de haine. En développant son arsenal maritime, en cherchant des alliés à Constantinople et en Autriche-Hongrie, il incite Edouard à se rapprocher du Tsar Nicolas II et de la France républicaine. Les grandes alliances sont en place. L'histoire du XXème siècle peut commencer.

1° juillet 1901 : en France, vote de la loi sur les "Associations à buts non lucratifs". La fameuse "Loi de 1901" qui régit encore les associations et notamment les clubs sportifs.

1902. Des documents récents indiquent que le Badminton débarque officiellement en France, au Havre, sans doute à Sainte-Adresse. Malheureusement aucune piste sérieuse n'a été retrouvée à ce jour.

Dieppe possède à cette époque le plus beau Casino de France . Winston Churchill vient souvent jouer au golf et y déniche Clémentine en 1905, sa future épouse en 1908. Un autre futur Prime Minister, Lord Cecil Salisbury vient en villégiature, de même que le Prince de Galles (futur Edouard VII). Le peintre Walter Sickert, puis Oscar Wilde entre autres séjournent dans la cité balnéaire ... On arrive, à la fin du siècle, à une colonie anglaise de 3 000 âmes pour une population totale d'environ 25 000 habitants ! La vie de ce petit monde s'organise : un temple anglican, un pasteur, des médecins, des pharmaciens et des commerçants, une école et une classe spéciale pour les garçons au Collège ! Alors le Bad', pourquoi pas ? C'est l'endroit rêvé, idéal.

Les recherches ont commencé aux archives du "Fonds Ancien et Local" de la Bibliothèque Municipale. Le principal journal de l'époque se nomme "La Vigie". Il est disponible sous sa forme d'origine et également sur microfilms. Il y a encore comme journaux "l'Eclaireur" et "l'Impartial". Un tuyau refilé par le président de la ligue de Haute-Normandie, Mr Raymond Viard, nous indique qu'il faut chercher vers 1906 ou 1908 !

Journaux d'époque ! Quasi format A2 et que de l'écriture, que de l'écriture. De 6 à 9 colonnes sur 6 pages ! Etude du journal : la page du Tribunal et des faits divers, souvent horribles, celle du feuilleton, les petites annonces, la merveilleuse réclame publicitaire et les actualités cantonales. Il reste les informations "internationales, politiques et locales". Donc les recherches se limiteront aux pages 1 et 2.

1906. Rien du tout, sur le bad' s'entend. Sinon un projet de loi d'imposition sur les ... pianos. Le 10 mars, un coup de grisou à Courrières : tragédie de la mine, 1060 victimes. Suites de la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Affaire Dreyfus en cassation, dissolution d'une Douma en Russie, tremblement de terre de San Francisco le 18 avril. Un peu de foot-ball sur la plage, du tir au pigeon et du lawn-tennis. Parfois un peu de rugby ou de l'automobile, le fameux "Grand Prix Automobile de Dieppe" organisé par l'A.C.O. Un point c'est tout. Il faudra donc que nous nous plongions dans l'année 1908.

La chute de cette histoire drôle est terrible : le soir même, en feuilletant un "QUID" à la page du bad' nous lisons "Championnats Internationaux de France. Créés en 1908" .


Covered Lawn-tennis and Badminton Club

Les recherches continuent avec l'année 1907. Rien. La routine : un projet d'impot sur le revenu et un projet de tunnel sous la Manche qui capote. Le Midi viticole bouge et le 17° Régiment de Ligne se mutine. Découverte le 31 octobre avec la création de l'Association "Covered Lawn-tennis and Badminton Club" et l'inauguration officielle d'un terrain de tennis couvert et de deux courts de Badminton. [...dans le magnifique garage construit avant la saison par M. Meyer à l'entrée de la rue Thiers...] [...Les joueurs pourront même jouer le soir car le vaste hall est éclairé à l'électricité...] (la "Vigie" 01/11/1907).

L'électricité ! Il fallait y penser ! On a guère fait mieux depuis 90 ans...

Novembre 1907. Première parution de "The Badminton Gazette" et premier édito :

Les progrès du Badminton dans l'estime populaire ont été si rapides que nous pouvons entrevoir le temps pas si lointain où il sera aussi connu que le Lawn-Tennis".

Le Grand Garage Charles Meyer ... La vie de Charles Meyer est un vrai roman. Elle a été racontée par Mr Claude Féron, historien "officieux" de Dieppe. Charles Meyer, comme son nom ne l'indique pas, était d'origine danoise. Débarqué à Dieppe en 1888, il se fera naturaliser français ensuite. Dans les années 1890 Charles Meyer est un mordu du "vélocipède" qui participe à de nombreuses courses cyclistes, gagne "Paris-Trouville-Paris", "Paris-Royan" et même le fameux "Bordeaux-Paris". Il est l'entraîneur de Terront lorsque celui-ci effectue son raid "Saint Petersbourg-Paris" soit 3 000 km à bicyclette en treize jours ! Il fait encore un match cheval-vélo contre le fils de Buffalo Bill, le colonel Cody, à Levallois-Perret en octobre 1893. Ce match dure 3 jours, 8 heures par jour. Cody a 10 chevaux à sa disposition et Meyer ... une bicyclette. Il n'est battu que de quelques kilomètres !

Il installe un petit magasin de cycles (marques "La Française", "Gladiator", "Triumph"...). De la "petite reine" à la voiture, il n'y avait qu'un pas qu'il franchit. Son garage prospére vite, il s'installe Place du Casino sur la plage. ("Vente d'automobiles toutes marques, neuve et occasion, agent exclusif des marques Delaunay-Belleville et Gladiator"). Son "Grand Annexe" se trouve rue Thiers. C'est là qu'ont lieu les entraînements et les compétitions du DBC Dieppe Badminton Club. C'est dans ce garage qu'ont lieu aussi certaines compétitions d'escrime, de lutte, de patinage à roulettes et des séances de cinéma. Quelle pouvait être le type d'activité automobile dans un garage tenant plutôt de la salle des fêtes ? On l'ignore. Ce que l'on sait en revanche, c'est qu'il avait une capacité de deux mille huit cents places !!!

Charles Meyer, sportif décidément insatiable, est encore membre du FCD dès 1908 ! Il est mort le 31 janvier 1931. Son garage fut repris par Mr Delbos qui y gara son avion, un Potez 36.

Autre sport typiquement anglais, le rugby se développe, lui, dans le sud-ouest. Raison invoquée par Jean-Pierre Bodis, maître de conf' de l'université de Pau (Equipe Mag du 13-03-99) :

" Vers 1907-1908, les Eglises de France conseillent à leur patronnage d'abandonner le rugby, jugé trop violent, pour le ballon rond, le foot-ball puis le basket. [...] J'ai aussi observé que trois cartes de France se recoupent : le rugby, la petite propriété rurale et la montée de l'idée républicaine [...]".



1908 : La déferlante Bad' sur Dieppe

Tournoi dans le hall du "Grand Garage Charles Meyer" de la rue Thiers dès le 14 janvier. Et sur cinq courts, s'il vous plait ! Le hall sert aussi pour la grande fête de la Mi-Carême et même pour du patin à roulettes.

Jeudi 7 février. Tournoi de double Mixte Handicap. La récompense est somptueuse : une raquette de Badminton offerte par la maison Godey de Paris. Le bad' est traité à peu près à égalité avec le foot-ball pour la longueur des articles dans le journal. Page deux, souvent en première page.

Annonce d'un tournoi international pour ... [ fin février ou commencement de mars. Ce tournoi sera, croyons-nous, le premier du genre qui se soit disputé en France et il est probable que les clubs anglais enverront leurs meilleurs joueurs pour les représenter ...] . Ce tournoi aura lieu mais en l'absence des joueurs anglais. Proximité de calendrier avec le "ALL ENGLAND" ?

"The Badminton Gazette" de mars nous apprend qu'un hall spécialement aménagé pour le badminton va être construit à North Kensington à Londres, qu'il disposera d'un excellent éclairage, d'un salon de thé dominant les courts et qu'il a pu être construit grâce à l'enthousiasme d'un passionné d'origine russe, Mr B G Narischkine.

Dans le "Badminton Gazette" du Jubilee d'octobre 1957, Sir George Thomas rapporte qu'une "shuttle testing machine", une machine à tester les volants fut présentée au cours du All-England de 1908, qu'elle attira une "considerable attention" (en anglais dans le texte). Hélas ! Elle avait une facheuse tendance à casser les manches des raquettes qui lui servaient de catapulte de propulsion. "Un rêve jamais matérialisé" reconnait Sir George.

Les cendres d'Emile Zola sont transférées au Panthéon le jeudi 4 mai.

Reprise de la saison après la pause estivale et boum ! Le scoop ! L'annonce d'une grande compétition internationale pour la fin novembre, le 27. Et résultats. Tout cela en page 1 ou 2 ! Même taille de titre que le terrible tremblement de terre de Messine (Italie) le 28 décembre qui fait 84 000 morts !

"L'Impartial" du 30 septembre rapporte sous la plume de J. Yeo-Thomas :

"Le Badminton ou Jeu de Volant scientifique est autant pratiqué en Angleterre l'hiver, que le tennis l'été. Il est l'ainé du tennis qui lui doit son origine, et il fut joué en premier lieu dans la propriété du Duc de Beaufort, dont il emprunte le nom Badminton[ ... ] Le nombre des clubs de Badminton affiliés à la Badminton Association, qui réglemente le jeu en Grande-Bretagne était, l'an dernier , de 229, et ce chiffre prouve suffisamment combien ce jeu est populaire en Angleterre. Le Tournoi de Grande-Bretagne qui s'est disputé en mars dernier, à Londres, a duré cinq jours et attirait des milliers de spectateurs...".

"Jeu de Volant Scientifique" , voilà qui fait décidément plus sérieux.

Le vendredi 2 octobre 1908, le club procède au "RENOUVELLEMENT" de son bureau. ("L'Impartial" 30 septembre 1908) [ ... Le premier club affilié en France est le BCD qui entre dans sa deuxième année d'existence officielle ... ]. Satisfaction du bureau : le nombre d'adhérents a [ ... doublé depuis l'année dernière ... ] et le niveau de jeu a monté !

Le Journal Officiel du 23 novembre 1908 publie la déclaration de la Société Dieppe-Badminton-Club ainsi que l'exige la loi du 1er juillet 1901 . Le bureau est constitué comme suit :

Président : Mr Sam Holl (entrepreneur en silex )

Secrétaire : Mr W.S. Taylor (négociant en lestage et silex)

Trésorier : Mr Yeo-Thomas fils (également trésorier du Foot-Ball Club Dieppois)

Secrétaire des tournois : Mr Savage (rentier)

Présidents d'honneur : Mr Camille Coche (Maire ) et Henri-William Lee-Jortin (Consul d'Angleterre)

Vice-Président d'honneur : Mr Walter Palmer-Samborne (proconsul d'Angleterre)

Membres : Mr Meyer ("garagiste") , Steeg (médecin) , Caron (médecin) et Legrand (professeur et arbitre de tennis).

Le but de cette association est [... de propager le goût du jeu de Badminton...]. Propager ... propagande ... le club s'y emploiera en organisant mais encore en se déplaçant pour des compétitions ou des exhibitions.

Comme dans beaucoup d'associations de cette époque, on retrouve le système de cooptation des membres, un droit d'entrée.

C'est en 1908 qu'est créé le Comité National des Sports.

Les J O de 1908 ont lieu à Londres pendant l'Exposition Franco-Anglaise destinée à renforcer les liens politiques entre les deux pays, essentiellement face à la menace allemande. Contrairement à l'idée répandue, c'est l'évêque de Pennsylvanie dans un sermon qui prononce la fameuse phrase : "L'important dans ces Olympiades, c'est moins de gagner que d'y participer". Sir Arthur Conan Doyle s'illustre stupidement à l'arrivée du marathon.





Les premiers " Internationaux de France" de Badminton


Signature de J. Yeo-Thomas ("L' Impartial" du 7 novembre) :

Sous le titre de "Réflexions" et parlant de Dieppe, notre confrère THE BADMINTON GAZETTE s'exprime ainsi dans son numéro de novembre.

" La Première réunion ouverte qui ait lieu hors des Iles Britanniques marque un pas important dans la popularité grandissante du Badminton et c'est le devoir de ses adeptes d'en assurer le succès dans la mesure de leurs moyens. La bonne volonté locale et l'enthousiasme ne font nullement défaut, mais pour que le but de ce tournoi soit atteint, il est indispensable que de nombreux joueurs anglais y prennent part. L'on remarquera que le programme comprend de nombreux events, en sorte que les compétiteurs peuvent s'attendre à jouer de nombreuses parties. Quoique le tournoi commence le vendredi, toute facilité sera donnée aux joueurs anglais qui ne pourront faire la traversée avant vendredi soir. "

"On voit par ce qui précède, que l'initiative hardie des pionniers du Badminton en France attire vivement l'attention des fervents de ce sport en Angleterre et qu'elle reçoit d'eux de précieux encouragements".

Humour (probablement) anglais : le secrétaire, Mr Taylor, invite les joueurs français à ne pas "[...] écraser absolument leurs concurrents d'outre-Manche afin qu'ils reviennent l'an prochain [...]".

"The Badminton Gazette" de novembre 1908 (page 4) insiste sur la nécessaire présence de joueurs anglais pour ce premier tournoi, précise que les conditions de jeu sont réunies, que la salle peut recevoir un millier de spectateurs, et ajoute même, garantie de sérieux supplémentaire, que le Maire de Dieppe est président (d'honneur) du club. Quelques paragraphes plus loin on peut encore lire :

A Badminton club is being formed at Rouen - more evidence of the game's growing popularity on the continent.

L'article paru le 27 novembre est éloquent et n'a pas pris une ride :

... Il peut sembler extraordinaire au profane que l'on puisse se passionner pour un jeu de volant mais ceux que la curiosité attirera au garage Meyer pendant le tournoi pourront se rendre compte que ce jeu de volant demande de l'adresse, du coup d'oeil et de la tactique et qu'il est au moins aussi intéressant que le lawn-tennis tout en demandant un apprentissage moins long.

121 engagements dont 30 d'outre-Manche ! Ces "Internationaux" durent du vendredi 27 au dimanche 29 novembre. Le premier vainqueur des "Internationaux de France" sera Mr Chesterton qui après avoir dominé Mr George Alan Thomas en demi-finale battra Mr Comyn en finale sur le score de 15/11-15/9 ! Victoire chez les dames de Miss Margaret Rivers Larminie contre Mme Taylor (11/1-11/6). Remise des récompenses en présence de Mr Dudfield-Willis, secrétaire de la Fédération Anglaise. [... l'assemblée s'est séparée en poussant par trois fois le traditionnel Hip ! Hip ! Hip ! Hurrah ! ].

Evidemment il manque les photos ! On n'ose à peine imaginer les tenues. Celle des dames en particulier. Quand au "niveau" de jeu, mystère. "Donne lieu à des parties disputées" , voire "émouvantes" rapporte le journaliste de "La Vigie" sur une pleine colonne en première page ! L'article du 1er décembre 1908 commence ainsi :

A une époque qui n'est pas lointaine quelques sportsmen de notre ville qui cherchaient un moyen de se divertir pendant les longues et ennuyeuses journées d'hiver créèrent un jeu de badminton. L'idée était bonne ; elle fit rapidement son chemin. Une société fut fondée et, petit à petit, les membres affluèrent. Aujourd'hui le Dieppe Badminton Club est très prospère et réunit la majeure partie de la colonie anglaise et le Tout-Dieppe mondain ...

On peut encore lire dans "La Vigie de Dieppe" du vendredi 18 décembre 1908 :

"Le Court Journal de Londres, dans son numéro de Noël, publie un article de M. Stewart Massey, le joueur de badminton bien connu, dont nous avons pu admirer à Dieppe le jeu admirable. Nous en extrayons les lignes suivantes :

"La semaine dernière a été tenu le premier tournoi ouvert de badminton qui ait eu lieu en France. Cette réunion était organisée par le Dieppe B.C. et eut lieu dans le magnifique garage appartenant à M. Meyer (le "Runner up" dans les messieurs simple handicap et un vrai sportman) qui avait généreusement placé le Hall à la disposition du comité ... Le club de Dieppe qui compte de nombreux membres français, anglais et américains, est dirigé par M. S. Holl, président ; [...] ".

Dans le même article du Court Journal, Stewart Massey se prend à disséquer le jeu des français :

"Jusqu'ici, le club qui ne fait que naître, a eu le désavantage de n'avoir pas rencontré ni vu jouer des joueurs de première classe. Prenant ceci en considération, le niveau d'excellence qu'ils ont atteint est très bon et plusieurs joueurs montrent déjà d'excellentes qualités ... Leur jeu cependant manque actuellement de piment ils paraissent trop jouer sur la défensive au lieu d'assurer l'attaque. En badminton, il faut se rappeler cette maxime que l'attaque est la meilleure défense.

Dans le service, les dieppois étaient peut-être plus près de leurs adversaires que dans les autres parties du jeu. Une fois qu'ils auront appris à faire les rabattus, leur jeu sera amélioré de 50% ... [...] On ne pouvait s'empêcher de remarquer combien le jeu des dieppois différait lorsquils avaient pour partenaire un joueur d'Outre-Manche. Leur jeu dans ces conditions était d'une classe tout-à-fait supérieure et [...]".

L'année n'est pas encore terminée. Un tournoi à "l'américaine" où la formule championnat remplace la formule coupe est organisé pour Christmas.

Réglementairement cette compétition internationale et le Dieppe Badminton Club dépend de la Commission Centrale de Badminton de l'USFSA, Union des Sociétés Françaises de Sports Athlétiques, fondée en 1889. Les questions religieuse et républicaine furent souvent le théâtre de belles bagarres entre l'USGF et l'USFSA. Mais ceci est une autre histoire.





La vie quotidienne au D.B.C.

On aurait du mal à soutenir que le Badminton est un sport populaire à cette époque. La durée quotidienne de travail est de 10 heures et le jour de repos hebdomadaire ne date que de 1906. C'est la "bonne société" qui joue. Il y a souvent étalage des plus belles toilettes. Un tournoi interne a-t-il lieu qu'il est suivi d'un souper à 23 H. Les prix sont remis par les dames du club aux messieurs et vice-versa, prix offerts par le Maire (sa fille joue) et les "notabilités" de la Chambre de Commerce. Evidemment, on prend le thé dans le salon. Le [...Tout-Dieppe Mondain...] (1/12/1908) assiste aux compétitions. C'est vrai, l'hiver on s'ennuie un peu, même au bord de la mer. Et puis , il n'y a pas la radio ... ni même la télé.

Qui sont ces gens ? Une approximation donnée par les résultats des tournois internes donne, grosso modo, une idée de la répartition par nationalité. Des noms à consonnance bien françaises (Mlles Meyer, Sarniguet, Touleau, Ropert, Mrs Legrand, Ouvry, Mouquet, Caron) et d'autres incontestablement venus d'outre-Manche mais résidents permanents à Dieppe (Mrs Douglas, Taylor, Fairbanks, Richardson, Major Savage, Mr Mc Callum, Graham, Eldson, Thornhill...). On peut évaluer à 50% pour chaque rive du Channel.

Les métiers exercés par les membres du bureau et les joueurs appartiennent nettement à la "bourgeoisie" : médecins, négociants ( charbons, briques, silex, blanc d'Espagne, automobiles), professeur ... voire rentier. Il y a encore le Consul et le proconsul d'Angleterre. Outre un futur "ministre", les enfants (Cécile et Bénoni Ropert Jr) de l'adjoint au Maire, Bénoni Ropert (antiquaire), s'exercent à ce jeu très "sélect" car pour faire partie du DBC, il faut être "recommandé" par 2 membres ! Le mot "Club" dans la pleine acceptation anglaise de son sens ou dans le sens républicain et laïc du terme ?

Les femmes sont étrangement (?) nombreuses à une époque où le sport féminin est rarissime et encore considéré avec une certaine curiosité, y compris au tennis. Là aussi l'influence de l'éducation anglaise parait avoir été importante. Bien souvent encore on pratique ce jeu en famille (chez les Meyer, les Taylor, etc.). Ceci explique cela ?

Un tournoi interne classique au D.B.C. débute à 19 h et se termine à 23 h. Il y a des fleurs, des petits gateaux. On se retrouve entre "gens du même monde" pour le souper servi par un traiteur.

Dans son ouvrage "Les Athlètes de la République" relatant les débuts du mouvement sportif en France entre 1870 et 1914, André Arnaud note une très forte corrélation entre ce qu'il appelle les "déracinés" ou encore "immigrés" et la création d'associations sportives ou autres. Il est tout-à-fait logique de penser que la colonie anglaise ait souhaité rebâtir un "home" et nouer de nouvelles relations de ce côté-ci de la Manche.

La vie du dieppois moyen en ce début de siècle est difficile. La "Belle Epoque" ne l'est pas pour tout le monde. Les récits des historiens locaux abondent en descriptions des "gobes", ces sortes de grottes dans la falaise du Pollet où survivent les familles les plus démunies de l'époque. La vie dure et dangereuse des marins pêcheurs parait bien loin des préoccupations futiles des joueurs de Badminton, de tennis, des golfeurs, des habitués des concerts du Casino et des lecteurs de la "Gazette des Bains".

Les "gobes" : habitations troglodytes dans les falaises du Pollet notamment, le quartier des pêcheurs. C'est là que vivent les plus pauvres des plus pauvres. En face, de l'autre côté du port, c'est le quai Henri IV où viennent s'amarrer les "steamers", paquebots de la ligne : le "Paris", l"Arundel", le "Sussex", le "France"... (Compagnie de l'Ouest et London-Brighton Railway) .

Georges Marchand, libraire à Dieppe, a photographié la vie quotidienne de Dieppe à cette époque. Il en a tiré des cartes postales et nous avons eu la surprise sur la carte n° 167 intitulée "habitation de pêcheurs dans la falaise" de voir deux jeunes filles tenant des raquettes à la main et montrant au photographe leur jouet le plus précieux ... un volant ! Date envisagée par l'historien de Dieppe ... 1905 ! Cette carte nous a été transmise par Mr Gerald Gurney, historien des sports de raquettes en Angleterre ! Mais de nombreux collectionneurs la possèdent.

Pendant la Deuxième Guerre Mondiale, les "gobes" furent abandonnées, réquisitionnées par l'occupant pour l'édification du "Mur de l'Atlantique". Elles furent transformées en champignonnières par la suite. Les "gobes" du Pollet eurent vers 1912 pas loin d'une centaine "d'habitants".





1909 : Chesterton encore

Les cinq épreuves traditionnelles du bad' sont "doublées" des mêmes épreuves avec handicap permettant à des joueurs de niveaux différents de pouvoir se mesurer. Les surprises ne sont pas rares. Il y a donc les compétitions ouvertes (on dit "open" ) et les compétitions avec handicap. Mais ce n'est pas tout. Ainsi un tournoi de "Trois Mixtes" (?) a lieu en mars (la "Vigie" 8 mars 1908). La finale oppose des équipes formées de...2 femmes et 1 homme (!). En finale par handicap, l'équipe Mmes Douglas et Fairbanks - Mr Fairbanks (handicap plus 1) bat l'équipe Mmes Holl et Mc Callum-Mr Holl (handicap plus 2) sur le score très intéressant et plutôt inhabituel de 17/21-21/15-21/16.

Volant plume bien entendu (made in France) dont la trajectoire est déjà codifiée [... vol régulier variant de moins de 20 cm sur une distance de treize mètres...] (la "Vigie" 26 janvier 1909).

Dans une série d'articles sur "les volants d'antan" écrits pour la revue anglaise "Badminton Now" en 1994, le champion irlandais Ian Maconachie parle de ces volants français :

"Parmi les meilleurs de cette époque certains étaient fabriqués en France où le Badminton fut pratiqué pendant quelques années. Le volant modèle était appelé "le tonneau" à cause de sa forme qui ressemblait beaucoup à celle du tonneau. Les plumes de poules étaient fréquemment utilisées et étaient insérées dans le bouchon avec le côté plat de la penne vers l'extérieur. Le galbe naturel vers l'intérieur des plumes produisait cette courbe en forme de tonneau auquel il doit son nom. [...] La base était recouverte avec la meilleure peau de chamois française [...]. Mais après quelques années d'expérimentation elles furent remplacées par des plumes d'ailes d'oies qui s'avérèrent beaucoup plus solides. Les oies étaient élevées en grande quantité à cette époque pour fournir le "paté-de-foie-gras" le mets délicat bien connu. Il est possible que les premiers volants en plumes d'oies fournis régulièrement provenaient de ces fermes [...]".

Pâté de fois gras, en français dans le texte !

January , 1909.The Dieppe Tournament : "Complete success rewarded the entreprise of the Dieppe B.C. in organizing the first Open Tournament held on the Continent ...".

"Un succès complet a récompensé l'entreprise du Dieppe B.C. dans son organisation du premier Tournoi Open tenu sur le continent ... ".

Grâce à l'amabilité de Gerald Gurney, historien anglais du bad', nous avons pu nous procurer la photo officielle de l'Open de Dieppe 1908 avec les joueurs et les organisateurs. On remarque sur la photo les champions anglais Massey, Thomas, Miss Larminie et Radeglia. Et dans le fond encore B G Narischkine, le mécène qui a financé le London Hall.

L'auteur de l'article (probablement G A Thomas) estime que les joueurs diepppois ont joué, malgré leur manque d'expérience, de façon très prometteuse et que leur niveau a grimpé tout au long du Tournoi. Surtout dans la compétition "Handicap". Dans la catégorie Open, les français marquent 1, parfois 2 points, rarement 3. Entre le niveau anglais et le niveau français, il y a quand même un pas.

Redémarrage dès le 26 janvier. Le garage-gymnase sera ouvert les mardis et vendredis de 20 H à minuit ! Les volants sont [... demandés exclusivement à Paris et cette industrie se développe sans cesse... fabriqués entièrement à la main...] . Bon, il y a bien quelques régates, courses hippiques, golf, lawn-tennis et épée mais c'est, à part le foot, le bad' qui occupe la bonne place. Le DBC [... veut répandre en France le goût de ce jeu passionnant...] et se déplace le dimanche 7 février 1909 en région parisienne, dans la salle de tennis de Neuilly-sur-Seine, 86 rue Péronet, pour des matchs-exhibitions. Salle gracieusement mise à la disposition du comité par Mr Little de la Maison Williams et C° (fabriquant de raquettes, fondé en 1867).

L'évènement est repris par "The Badminton Gazette" (mars 1909) qui écrit :

"Si le Badminton ne réussit pas sa percée en France ce ne sera pas la faute des joueurs dieppois dont l'enthousiasme s'est récemment montré de manière très concrète [...]. Max Décugis, A Germot et beaucoup d'autres joueurs de tennis ont assisté aux matchs [...]. Il est à noter que cette manifestation a considérablement attiré l'attention de la presse parisienne [...]".

Dans son article d'annonce, Mr J Yeo-Thomas précise le 5 février en première page :

Le Tennis en effet se joue maintenant beaucoup et nous avons pu constater lors du dernier grand tournoi aux "courts" du Casino que la France peut mettre en ligne des joueurs comme Décugis parfaitement capables de triompher de champions comme Ritchie, Wilding, etc. ....

Déjà, à l'époque, le joueur français se révéle plus fin, plus rusé et plus précis que son homologue britannique ! Conclusion du même quelques jours plus tard : [ ... Il y a tout lieu de supposer que la formation à Paris de clubs de Badminton est maintenant chose certaine.]. Ce devait être long.

Dans "L'Impartial" du 3 mars parait l'entrefilet suivant :

[ Le Comité du Dieppe BC termine actuellement ses préparatifs en vue du tournoi de fin de saison]...[ C'est cette semaine que se dispute à Londres le tournoi de "Toute l'Angleterre" qui comporte les Championnats d'Angleterre. Nous offrons nos meilleurs souhaits de succès au joueur merveilleux qu'est F. Chesterton, le détenteur actuel de la Coupe Messieurs Simple offerte par le DBC].

Effectivement le "Grand Chesterton" gagne cette année-là le "ALL ENGLAND" en simple et double.

Le DBC est sans doute le premier club français de Badminton. Si la presse locale le dit... "L'impartial" du samedi 6 mars 1909 annonce la création de deux clubs, à Dinard et Paramé, en Bretagne et un projet de club parisien au Stade Français. Peut-être y a-t-il du Badminton sur la Côte d'Azur où les riches anglais étaient également très nombreux à cette époque à déambuler à Nice sur la ... Promenade des Anglais. Peut-être encore vers Biarritz ou Pau ?

Il faut croire que le Badminton avait le vent en poupe car le dimanche 7 mars 1909 parait dans la revue hebdomadaire "Le Sport Universel Illustré " le premier article paru en France concernant le Badminton. Hélas, si la Bibliothèque Nationale de Paris possède bien les numéros de 1909, il manque, bizarrement, celui de mars 1909 !

La "Vigie" du 15 octobre annonce la composition du bureau du comité de gestion de l'association et notamment l'arrivée de Mr Robert Thoumyre. Pour la petite histoire, Robert Thoumyre, député de 1920 à 1933, sénateur en 1935, sera, en 1920, éphémère Sous-Secrétaire d'Etat au Ravitaillement dans le Ministère Millerand.

Des nouvelles de Yeo-Thomas dans "Badminton Gazette" d'octobre 1909 :

" Nous apprenons que J Yeo-Thomas, qui a fait un si bon travail en organisant le Badminton à Dieppe, partira à Paris l'année prochaine. Si le jeu n'est pas encore fermement installé dans la capitale de la France, sa venue amènera l'impulsion nécessaire au mouvement".

Le journal anglais rapporte encore que le bureau du DBC a proposé d'inclure l'escrime dans ses activités. Devant l'opposition suscitée, ce projet sera soumis à un vote en assemblée générale. Un projet de plancher en bois est à l'étude, moyennant une augmentation. Enfin l'Almanach Hachette de 1910 contiendra un article illustré sur le Badminton.

Et toujours dans "The Badminton Gazette" d'octobre 1909. Inutile de traduire :

French Notes
Our French Correspondant writes :-

The proposed formation of a French Badminton Association has not yet materialized ; but it is likely to be effected later on.

On a failli avoir une fédé dès 1909 !

Mais quelle est cette marque "Geisler" proposant des volants ("still the best") estampillés "Marque de Fabrique Déposée" dans ce même numéro ? Des volants français ?

Tournoi de fin de saison hivernale. Tournoi de Rentrée. La "saison de Badminton" démarre habituellement courant octobre et se termine fin mars-début avril. Finales entre clubs (?) le 12 décembre. Et début des "Internationaux de France" le 18 décembre. 70 engagements.

Palmarès 1909

Simple messieurs : Mr Chesterton bat Mr G A Thomas

Simple dames : victoire de Miss Radeglia contre Miss Bateman

Double messieurs : Mr G A Thomas et G A Sautter battent M Stewart M Massey et Mr F Chesterton

Double dames : Miss M R Larminie et Miss Bateman battent Miss Radeglia et Miss Wallis

Double mixte : Mr G A Thomas et Miss Bateman battent Mr F Chesterton et Miss Larminie

Victoire française dans le mixte handicap grâce à la paire C Meyer et Mrs W Taylor ! L'article se poursuit ainsi :

... Mr G.-A. Thomas, qui, entre parenthèses, est l'éditeur du périodique anglais Badminton Gazette, a pris la parole pour dire que ses amis et lui emporteront en Angleterre le meilleur souvenir de l'accueil qu'on leur a fait ici et il a tenu à ajouter un compliment à l'adresse du DBC en le félicitant d'avoir créé des abonnements scolaires, un excellent moyen de recrutement et de propagande ...

Les français ont-ils progressé ? "La Vigie" répond à cette question dans son journal du mardi 21 décembre :

"[...] Mais on le peut dire en toute assurance, il n'y a plus aujourd'hui entre les joueurs anglais et les nôtres toute la distance qui les séparait il y a encore un an [...].

Un article de "The Badminton Gazette" (janvier 1910) reprend l'ensemble des résultats, publie la désormais traditionnelle photo de groupe, et apporte quelques informations sur le jeu et notamment le niveau du jeune G Sarniguet, âgé de 14 ans seulement.

Et bien non, l'année n'est pas terminée ! Un tournoi interne par handicap avec tirage au sort des partenaires est organisé le soir du vendredi 31 décembre. [... Après la distribution des prix faite par Mme Bénoni Ropert, un souper bien servi par Mr Labreux dans le salon du club, a terminé cette joyeuse soirée]. On peut toujours supposer qu'on se souhaite une "Happy New Year" au douzième coup de minuit.

Morceaux de bravoure journalistique (prophétique ?) extraits de la "Vigie" du 5/02/1909 : " ... Il y a beaucoup de raisons pour lesquelles la pratique du Badminton doit se répandre en France ... ". Plus loin : " ... Et il est certain que le Badminton plus rapide que le tennis, permettant l'exercice de plus de finesse, de ruses et de précision, doit convenir éminemment au caractère français et nous ne serions pas étonnés de voir la France bien représentée au Grand Tournoi International de Londres en 1910 ..." .




1910 : Victoire de George Alan Thomas

Le jeudi 10 février le DBC innove donc avec un tournoi réservé aux membres scolaires du club. Le journal précise : [... et si ces progrès continuent le DBC sera en mesure d'ici quelques années d'opposer aux joueurs anglais des équipes capables de leur tenir tête...]. Clôture de la saison le 16 avril avec un bal à l'Hôtel Métropole. [... beaucoup de jolies toilettes et beaucoup d'entrain...] .

La saison d'hiver est terminée, celle d'été peut commencer. La ville fête le Tricentenaire d'Abraham Duquesne, le célèbre marin corsaire local.

Ouverture de la saison le 30 octobre. Le club dispose désormais de cinq terrains. Laissons encore une fois le journaliste vanter les mérites du bad' : [... ce sport d'hiver déjà très en vogue dans Dieppe, depuis plusieurs années, va subir encore de nouvelles améliorations...]. Le Badminton considéré sous l'angle d'un sport d'hiver, il fallait y penser.

Quant aux nouvelles améliorations, il ne s'agit pas moins de [... l'installation nouvelle de planchers en bois, pour remplacer les courts en ciment... en évitant la fatigue que provoque un sol trop dur...]. Le confort n'est pas oublié : [... Il s'agit d'un salon situé au-dessus du Tea Room, où les dames trouveront désormais tous les raffinements d'une installation moderne.] ("Vigie" 25 octobre 1910).

La "Vigie" du 1er novembre précise encore que le plancher mesure [... 500 m de superficie ...] !

Déjà un tournoi interne le 14 novembre: 14 paires de mixte engagées. Et un tournoi "scolaire" le 24. Mercredi 30 novembre, encore un tournoi, le "Challenge Dunlop", sponsoring avant la lettre. Noël approche. 300 mineurs sont ensevelis dans le Lancashire.

Troisièmes "Internationaux de France" à Dieppe du 15 au 18 décembre. Le double vainqueur 1908 et 1909, Mr Chesterton est absent, victime de douleurs rhumastismales au bras. C'est Mr George Alan Thomas qui gagne, battant en finale Mr Guy A Sautter (s'est-il inscrit sous son pseudonyme habituel de U. N. Lapin, comme l'écrit Bernard Adams ?) sur le score de 15/11-15/11. Chez les dames, Miss Radeglia dispose de Miss Bateman. En double messieurs, Thomas et Sautter [... walkover avec Mrs Salles et Ango ....]. Victoire en mixte du couple Thomas/Bateman sur la paire Sautter/Radeglia 15/11-15/12 ! En double dames Miss Radeglia et Bateman "écrasent " les locales Mme Taylor et Mlle Charlotte Meyer 15/6-15/0.

Banquet, champagne et toasts applaudis, en présence, bien évidemment, du Consul d'Angleterre, Mr Palmer-Samborne. [... Un bal, qui s'est déroulé sur les courts, a clôturé cette intéressante journée, et c'est enchantés de la réception qui leur a été faite que les invités d'outre-Manche prirent le paquebot de nuit pour regagner l'Angleterre.] (la "Vigie" 23/12/1910).

Défait en demi-finale en 1908 et en finale en 1909 par Mr Chesterton, George Alan Thomas gagne enfin les "Internationaux de France de Badminton" en 1910. Il remettra cela en 1911, 1912 et 1913.

George Alan Thomas ( 1881-1972 ) n'est pas un inconnu dans l'Histoire (avec un grand H) du Bad'. Il est le recordman absolu des victoires dans le "ALL ENGLAND CHAMPIONSHIPS" , créé en 1899, avec 21 titres remportés, en simples (1920-21-22 et 23), en doubles messieurs (1906-08-10-12-13-14-21-24 et 28) et double mixte (1903-06-07-11-14-20-21 et 22). Longévité extraordinaire puisqu'il y a la bagatelle de 25 années entre son premier et son dernier titre. Précisons encore que la liste aurait pu être beaucoup plus longue si la compétition n'avait pas été interrompue entre 1915 et 1919 pour cause de ... Guerre Mondiale !

Après la Grande Guerre, commence sa longue série de victoires au "ALL ENGLAND" en simple. A la mort de son père, en 1918 , il devient Baronnet, septième et dernier du nom de Yapton, West Sussex. C'est "Sir George Alan Thomas, Bart".

C'est presque en voisin qu'il vient à Dieppe, Yapton ne se trouvant qu'à quelques miles à l'ouest de Brighton. Coïncidence : la rivière voisine est l'Arundel, l"Arundel" étant également le nom d'un des paquebots de la ligne trans-Manche Dieppe-Newhaven au début du siècle .

Quand l'International Badminton Federation est fondée en 1934, Sir George en devient tout naturellement le premier président et le restera jusqu'en 1955. C'est évidemment lui qui est le fondateur-donateur de la fameuse Thomas Cup, championnat du monde de Badminton par équipes masculines, créée en 1948 et remportée par la Malaisie lors de sa première édition.

Sir George Alan Thomas était né à Therapia, près de Constantinople (Istanbul) le 14 juin 1881. Il nous a quitté le 23 juillet 1972, à 91 ans. Belle longévité là encore d'un homme qui fut aussi champion d'Angleterre d'échecs en 1923.





1911

Apparition de la "jupe-culotte". Le 10 mars on passe de l'heure de Paris à celle de Greenwich, il faut donc retarder les montres de 9 minutes et 21 secondes. Un projet de liaison Paris-Dieppe par un canal est étudié (apparemment il n'a pas abouti ! ).

14 mars. Le D.B.C. se rend à Bruxelles pour un tournoi. Dieppe : 14 - Bruxelles 1 . Un triomphe [... qui a valu à nos concitoyens les plus vives félicitations des ambassadeurs d'Angleterre et des Etats-Unis, présents à cet émouvant tournoi ...] (la "Vigie"17/3/1911).

Le 21 août, on vole "La Joconde" au Louvre, rien que cela. Nous voyons la première photo dans la "Vigie" : c'est un passage à niveau ferroviaire ! La seconde ce sera "Miss Dieppe" !

De 27 clubs en 1897, le badminton passe, outre-Manche, à 220 en 1907 et atteint 325 clubs en 1911.

La "Vigie" mardi 24 octobre annonce :

Nous apprenons qu'un ouvrage consacré au jeu de Badminton est actuellment sous presse et doit paraitre le 1° Novembre. Ce livre du à la plume autorisée de Mr S.M. Massey bien connu des joueurs dieppois de Badminton, contient un historique du jeu et de nombreux articles illustrés à profusion décrivant les coups et la façon de les exécuter. Un chapitre écrit par Mr J. Yeo-Thomas est consacré au Badminton en France et notamment au Dieppe Badminton Club. On peut se le procurer au prix de 2 fr chez MM G. Bell et Sons Ltd.

Internationaux de France les samedi 16 et dimanche 17 décembre de 10 h à 19 h 30. [...Le prix d'entrée pour les personnes ne faisant pas partie du club est de 1 fr pour chaque journée...]. Les internationaux anglais persistent à traverser la Manche. Pour le sport ? Le shopping ?

Miss Radeglia expédie la locale Mlle Téphany 11-1 et 11-0. Trois fois vainqueurs elle remporte définitivement la Coupe. Chez les messieurs G.A. Thomas bat en finale G.A. Sautter sur le score de 15/7-15/12. Les récompenses sont toujours remises par Mme Bénoni Ropert dont les trois enfants font du Badminton, elle-même étant l'épouse du 1er Adjoint au Maire. (Mr Bénoni Ropert deviendra Maire en 1928). Après l’effort ...

" Le soir un banquet a réuni les joueurs français et anglais dans la salle du Badminton qui avait été décorée pour la circonstance de drapeaux français et anglais... "

Le Comité Olympique Français est créé en 1911.





L'arrivée du Badminton en France en 1898

Dans son "Encyclopaedia of Badminton" (1987), Pat Davis consacre un article à la France (traduction) :

[... L'histoire du Badminton en France remonte à 1898, quand, à Saint-Servan, J.E. Jones, répétiteur dans l'Armée Britannique, construisit une salle de quatre courts. A sa fermeture le jeu continua dans la salle à manger d'un hôtel de Paramé, en dépit d'un candélabre placé au centre...].

Il s'agit de Badminton-Badminton, en salle, et non de volant. Des rumeurs circulent sur d'autres endroits : Sainte-Adresse, Dieppe, Yport, Etretat...

Cet article est justement tiré du livre "Badminton" de Stewart M Massey paru en 1911. Le chapitre XVII (pages 111 à 113) intitulé "The game in France" est écrit par J. Yeo-Thomas, cheville ouvrière du club dieppois, faut-il le rappeler :

Saint-Servan semble avoir été le premier foyer du Badminton en France. En 1898 Mr J.E. Jones, qui avait une grande école, et aussi entrainait de jeunes gens pour l'armée, construisit quatre courts couverts de Badminton pour ses élèves. Cependant contre paiement d'une cotisation, ses amis de Paramé et de Saint-Servan étaient également autorisés à adhérer au club. Le club prospéra pendant six années ; mais quand Mr Jones abandonna son école, les résidents se trouvèrent dans l'impossibilité de continuer dans le hall. Quelques courts privés continuèrent d'exister cependant, tandis que quelques enthousiastes se rencontraient une fois par semaine dans la salle à manger d'un hôtel de Paramé pour jouer, en dépit d'inconvénients parmi lesquels un candélabre au milieu de la pièce !

Le jeu fut pratiqué et un club démarra à Dieppe dès 1900 ; mais le garage utilisé ne permettait le marquage que d'un seul court, et après une courte vie le club cessa, surtout à cause du fait que le propriétaire trouva plus profitable le garage de voitures.

En 1907, cependant, un grand garage fut construit à Dieppe, et Mr W.P.S.P. Samborne forma un comité de résidents français et britanniques qui prirent contact avec le propriétaire et obtinrent l'utilisation du hall pour du tennis couvert et du Badminton. Le tennis, cependant, laissa bientôt la place au Badminton, et au cours des saisons suivantes cinq courts de Badminton furent tracés.

Le Dieppe Badminton Club rejoignit alors la Badminton Association, et avec le concours de Mr C. Dudfield Willis, le premier tournoi international de Badminton joué sur le continent fut organisé et eut lieu à Dieppe le 27 novembre 1908.

Quelques membres du club offrirent une coupe-challenge pour le Simple messieurs. Les joueurs dieppois furent, sans espoir, surclassés par les visiteurs, parmi lesquels Miss Larminie et Miss Radeglia, Mrs G.A. Thomas, F. Chesterton, S.M. Massey, et H. Comyn.

Ce tournoi connut un grand succès, et par voie de conséquence, créa un grand empressement chez les joueurs locaux qui les décida à tirer profit de la leçon. Depuis lors le tournoi international a eu lieu chaque année avec un égal succès. Le simple hommes fut gagné en 1908 et 1909 par F. Chesterton, et en 1910 par G.A. Sautter.

La jeune génération, à laquelle s'adresse particulièrement le club, montre de grandes promesses, et il parait plus que probable que par la confrontation fréquente avec de bons joueurs les membres du club dieppois pourront avant longtemps offrir un bon combat pour la coupe-challenge, et peut-être la remporter.

Le Dieppe Badminton Club, en plus d'améliorer son hall et de construire un court planché, a fait beaucoup pour favoriser le jeu dans d'autres villes. Des matchs d'exhibitions ont été joués à Paris, Rouen, et Bruxelles, quoique jusqu'à présent aucun nouveau club n'ait encore été créé en France.

Le jeu convient indubitablement aux français, et si la difficulté de trouver un hall convenable à Paris peut être surmontée, il ne fait aucun doute que le jeu pourra se développer non seulement là, mais encore dans les provinces, pour que chaque sorte de sport soit mise en évidence en France.

Déjà des coquilles dans les résultats puisque le vainqueur 1910 n'est pas G A Sautter mais G A Thomas !

Question subsidiaire (humour anglais supposons-nous) posée par Mr Gerald Gurney :"Que faisait l'armée britannique autour de Saint-Malo ? ou Mr Jones n'était-il qu'un visiteur dans le coin ?". Gerald Gurney qui poursuit : "Et pourquoi pas une date antérieure pour le Badminton en France ? En 1898 le jeu était installé en Angleterre depuis de nombreuses années ?".

Une phrase nous surprend dans le numéro du mardi 29 octobre [... voici déjà 10 ans que ce club sportif s'est formé dans notre ville...]. 1902 !

Le texte en français le plus ancien sur le Badminton et ses règles date de 1906 et nous a été fourni par Mr Alain Poncet de la Médiathèque de l'INSEP. Il est tiré très précisément de l'ouvrage de Ern. Weber et s'intitule "Le Basket-ball, le base-ball, la crosse, le hockey, la longue paume, le jeu de paume, la pelote basque, le badminton, le cricket, la thèque, le croquet". Titre long mais informations très succinctes et souvent erronées. Ainsi le volant est formé d'une demi boule en caoutchouc dans laquelle sont plantées des plumes. Combien de plumes ? Le jeu se pratique à 2 joueurs mais encore à 4 ou à 6, voire à 8. On apprend encore qu'il y a faute, et que l'adversaire compte un point (alors qu'il ne fait que prendre le service) si "le volant n'est pas relevé avant un second bond". Comprend qui peut. De plus les mesures du court, en français, sont arrondies à 6m sur 12m !

Re-lecture d'une année de journaux : toujours rien ! Et pourtant ! Centenaire de Victor Hugo, éruption de la Montagne Pelée à la Martinique en mai (25 000 morts), couronnement d'Edouard VII le 9 août. Obsèques d'Emile Zola le 5 octobre. Sur le Bad' : néant. L'historien local nous a affirmé (puis confirmé depuis) que l'on a joué au Badminton à Dieppe en 1898. Ses sources ? Il hante les archives locales depuis tant d'années qu'il n'a pas relevé ce détail précis concernant un jeu somme toute ... de plage. Qui se souvient de la date d'introduction du yoyo, du patin à roulettes ou du diabolo ? Tout de même, 1898 ! Dans "L'Impartial" du samedi 18 juin 1898, Alexandre Bouteiller écrit : "Une station comme la nôtre qui résiste à une expérience plusieurs fois séculaire ; qui, à chaque épreuve [...] reste toujours la reine du littoral [...]. Non seulement les plaisirs et les sports à la mode abondent à Dieppe mais [...]". Quels sont ces sports nouveaux ? Le foot et le golf, créés un an plus tôt ? Le Badminton ?

Nous sommes déçus et persistons à penser que l'historien a raison mais qu'on n'en a pas fait tout un foin dans la presse parce que deux gars jouaient au jeu de volant ... sur la nouvelle pelouse de la plage nouvellement acquise par la municipalité ! Et cette carte postale de 1905 avec les gamines et leurs volants en plumes ? C'était pourtant bien trois années avant la création du premier club de bad' français ! Peut-être un jour en fouillant mieux ...



1912 : Music hall et Badminton

1912 : Jules Bonnot est abattu à Choisy le Roi . Le "Titanic" coule en avril. Le Badminton coule aussi mais des jours heureux à Dieppe. Le DBC organise pour la Mi-Carême une "Revue Locale" pour se faire des sous. Soit, en langage journalistique sportif : [ ... Le club de Badminton, qui est le premier club de ce sport en France, désire maintenir sa renommée et doter toutes ses épreuves de coupes challenges susceptibles d'attirer à Dieppe un très grand nombre de joueurs étrangers...]. Entrée : 3 fr. Attention 3 F de 1912 ! Qui font, bon an mal an, 54 F d'aujourd'hui.

Texte intégral paru de l'article paru dans la "Vigie" du 15 mars 1912 :

La Revue des B.

Une revue locale ne pourrait nulle part ailleurs se trouver mieux à sa place qu'au Dieppe-Badminton-Club, un des derniers salons où l'on cause. Tout le monde l'attendait cette revue, et avec d'autant plus d'impatience que nul n'ignore que ses trois auteurs jouent aussi bien à la raquette avec un bon mot qu'avec un volant.

Le succès a répondu à l'attente générale. Il y a dans ces deux actes, de la gaité, de la verve et de l'esprit. Les statuts du DBC, la scène des chiens avec son duo, les couplets sur les élections, les trottoirs de la rue Gambetta, les travaux du port, la gare, le château, le rapide de midi 14, la Poissonnerie et ses incidents, le retour de Bruxelles, tout cela est traité avec fantaisie et très alertement chansonné.

Il y avait un avant-propos d'un tour littéraire qui a été remarqué.

Mr Fairbanks, l'éminent pianiste, qui s'est amusé à arranger la musique, a spécialement écrit pour cette revue une valse d'une charmante distinction et un finale entraînant et joyeux.

L'interprétation est excellente avec Mmes Martin, Emmanuel Delarue (très en voix), Taylor, R. Thoumyre, et Mrs Holl, un véritable artiste, Rihen, toujours si amusant, Fairbanks, d'une ineffable drôlerie, Robert Thoumyre, un pince-sans-rire tout-à-fait exquis, Bénoni Ropert fils, très adroit et Taylor, bon comique.

La scène était très bien agencée et éclairée. C'est un franc et légitime succès.

Le 25 juillet, Louis Blériot traverse la Manche en trente-huit minutes entre Calais et Douvres.

Rentrée sportive le dimanche 3 novembre et déjà de nombreuses nouvelles adhésions ! Au bas mot, une soixantaine de noms différents apparaissent dans les colonnes des journaux lors des différentes compétitions internes. Où se situe au début de ce siècle la barrière entre compétition et loisir ?

Tournoi International les samedi 21 et dimanche 22 décembre. Miss Radeglia l'emporte malgré une relative résistance de la dieppoise Mlle Touleau 11/3-11/7. Chez les hommes G.A. Thomas se défait 15/12-15/12 de son compatriote Gardner. Un banquet réunit les convives et est suivi d'un [ ... cotillon qui a été des mieux réussis].





1913

Un match de base-ball sur la plage (c'est le cricket anglais très très très simplifié), déjà des licences obligatoires pour jouer au foot. Le nombre de clubs de foot se développe à la vitesse V et les articles consacrés au "foot-ball association" dépassent maintenant en quantité les articles sur le bad'. Encore un projet de tunnel sous la Manche et un concours du plus beau bébé !

11 et 12 janvier. Le DBC reçoit le club d'Ealing (banlieue de Londres, non loin de Wimbledon). Et reçoit par la même occasion une leçon : 45 matchs à 14 ! 102 jeux pour les anglais et 45 seulement pour les dieppois. Cotillon puis souper.

Tournoi annuel interne en mars doté par la Ville et Mr Bloch, gérant du "Grand Casino". Est-ce le début des classements ? Toujours est-il qu'il y a des joueurs en série "A" et des joueurs de série "B". Et avant la clôture de la saison, le 24 avril, il y aura encore le Challenge Dunlop (double Mixte Open série A), le Prix Ducellier (double Mixte Handicap série B), le Prix Continental (Mixte Ouvert A et B) et le Prix du Garage Meyer (double dames Ouvert A et B ).

Dimanche 16 novembre. Reprise de la saison au garage Meyer de la rue Thiers. Le Président du club, Mr Sam Holl, [... ne cache pas qu'il a foi dans d'éclatantes victoires...].

Tournoi international les 20 et 21 décembre. Evidemment en page 1 du journal ! Victoire de Mr G.A. Thomas 15/4-15/8 contre son compatriote Mr Hosken. Difficile victoire de Miss Radeglia en trois sets 6/15-15/8-15/8 contre Mrs Tragett (ex Miss Larminie). Comme chaque année les dieppois et autres français s'en tirent mieux dans la compétition avec handicap ! (nota-bene : le score de la finale simple dames en 15 points ressemble fort à une coquille journalistique. Rien de nouveau sous le soleil !).

Des palmarès phénoménaux ! Les champions anglais qui traversent la Manche pour se confronter aux joueurs franco-dieppois totalisent un grand nombre de victoires dans le "ALL ENGLAND", la référence dans le monde du bad' depuis bientôt un siècle.

Mr Chesterton gagne le simple en 1909, 1910 et 1912. Il remporte le double messieurs en 1909, 1913 et 1914.

Mr G.A. Sautter gagne le simple en 1911, 1913 et 1914, le double messieurs en 1922 et le mixte en 1910 et 1913.

Mr Stewart M. Massey emporte le double messieurs en 1903 !

Miss Bateman gagne le double dames en 1911 et 1913.

Miss L.C. Radeglia gagne le simple dames en 1913, 1914 et 1923 et le double dames en 1920.

Miss M. Larminie (devenue Mrs Tragett) remporte le simple en 1911, 1912 et 1928 ! Elle gagne le double dames en 1914, 1922, 1923, 1925 et 1927. Elle gagne le double mixte en 1911, 1923 et 1928 ! Carrière sportive incroyable.





Une mine d'articles sur le bad'

"Ils" ne savent pas encore que dans quelques mois va commencer la boucherie, la "der des der" ! Le club est-il au repos ? Il n'y a plus d'articles, excepté l'annonce d'une conférence faite par Mr Sam Holl, le Président du Club , devant la Société Géographique de Lille, sur un tout autre sujet : le récit de son voyage en automobile dans les Balkans !

Le "Garage Meyer" va désormais plutôt servir de salle de cinéma. La suite, c'est l'attentat de Sarajevo, l'assassinat de Jaurès. La guerre est déclarée. La colonie anglaise quitte Dieppe. Définitivement. Dieppe devient le principal port d'arrivée des troupes d'outre-Manche. Jusqu'à 12 000 "tommies" sont cantonnés dans les environs. Quelques uns se marieront et feront souche à Dieppe. Mais c'est fini pour le glorieux Badminton dieppois qui entre dans un long, long sommeil. Quelques familles d'officiers anglais, prévoyant un conflit long, s'installent cependant à Rouen dès 1915, précise Albert Martin, chirurgien à Rouen puis aux armées. Les troupes anglaises sont essentiellement engagées non loin de la mer, Flandres, Artois et Picardie.

Rien pendant la Grande Guerre. Rien en 1919 et 1920. Arrivé chez nous grâce à nos amis britanniques, le Badminton s'en est retourné dans son pays d'origine avec la Première Guerre Mondiale. Le rideau normand tombe.

Le 11 juin 1937 le Maire de Dieppe répond au sous-préfet :

J'ai l'honneur de vous faire connaître que l'Association désignée ci-contre est dissoute depuis plusieurs années. Le Maire.

"Plusieurs années", dit le maire. Y a-t-il eu du Badminton à Dieppe après 1920 ? Qu'est devenu Yeo Thomas ?

Ces recherches constituent la chronique presque quotidienne du plus vieux club français de Badminton et organisateur des premiers "Internationaux de France". Le DBC a accueilli dans ses murs des champions, devenus légendaires, mythiques. Nous pensons à G A Thomas, bien entendu, mais encore à Mr Chesterton, Mr G A Sautter et Mr S M Massey, sans oublier bien sûr Miss M Larminie, Miss L.C Radeglia et Miss Bateman.

Une soixantaine d'articles sur le Badminton dans la "Vigie". Sensiblement moins dans "l'Eclaireur" et dans "L'Impartial", autres journaux locaux. Pour la période 1907-1913. C'est une mine. Les articles sont rarement signés, souvent ce ne sont que des communiqués de presse. Cependant un article de 1908 est signé de René Asselin, gardien de but du club de foot-ball FCD qui eut son heure de gloire en 1911 en équipe de France. Les autres articles sont signés ou, supposons-nous, de la plume de Mr J Yeo Thomas fils, sportmen s'il en est. Secrétaire du club local de foot, il est en même temps secrétaire de l'union vélocipédique. On le retrouve quelques année plus tard secrétaire, arbitre de tennis ... Mr Yeo Thomas que l'on retrouvera encore dans les années 1936 dans un article "technique du service" dans la "Revue du Tennis et du Badminton". Il est encore Secrétaire international de la Fédération Française en 1939 lors des "Internationaux de France" disputés à Lyon, Mr René Mathieu étant Président de la FFBA.

Quelles sont les raisons du demi-échec, admettons franchement de l'échec complet, du club dieppois dans son but de promouvoir le Badminton en France ? Elles sont multiples.

D'abord une guerre mondiale. Bernard Adams reconnait que le Badminton fut freiné dans son expansion même en Angleterre. Ensuite, le Badminton est, à cette époque, un jeu "bourgeois", nous l'avons montré, et qui nécessite certaines installations très rares encore au début du siècle. Un jeu d'adultes, ensuite malgré les tentatives auprès des scolaires. Un jeu "mixte", contrastant par trop avec la mentalité française du début du siècle. Un jeu anglais encore quand les relations franco-anglaises sont fondées sur le mode "je t'aime, moi non plus". Enfin, le club dieppois est isolé de ce côté-ci de la Manche. Il n'y a pas eu, parallèlement, de création de clubs à Rouen, au Havre ou à Paris pour alimenter une saine émulation dans cette partie de la France. Les adversaires ne pouvaient donc se trouver qu'en Angleterre ...

Si l'on en croit "World Badminton", la revue de l'IBF (mars 1994), il y aurait eu un club à Vienne en Autriche, le VPC, Viennese Park Club , qui organisa des compétitions dès la saison 1907-1908 et notamment en mars 1913 avec la présence d'un joueur indien, le docteur R Metha. L'article précise encore que le Badminton était le sport de la classe aisée exclusivement : aristocrates, industriels et hommes d'affaires ...




1914-1934 : Un long silence de vingt ans

Le premier conflit mondial a fauché la jeunesse française dans la fleur de l'âge. L'heure est à la reconstruction. Le sport français va refaire surface petit à petit avec des champions comme Suzanne Lenglen et les Trois Mousquetaires, le boxeur Georges Carpentier, sans oublier Jules Ladoumègue.

Diverses sources parlent de Badminton à Barentin dès les années 20. Mr Lechalupé se souvient d'un stock de volants "très anciens" récupérés lors de la création du club dans les années 60. Une émanation du club dieppois ? A vérifier.

1920 : création de la fédération française de lawn-tennis.

1924 : création de la fédération française de paume

1927 : création de la fédération française de tennis de table.

1928 : le mot Badminton fait son entrée dans le Larousse.

1930 : le mot américain "racket", emprunté au français raquette, arrive dans le dico via Chicago et la prohibition.

1935 : création de la fédération française des ballonnistes (ballon au poing).