Préhistoire




Au temps de la Paume
Le jeu de volant
Mythes et réalités de "l'invention" du Badminton
Le Badminton dans la Peinture
Le Badminton dans les autres arts
Le Bad' dans la rue et ailleurs


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Au temps de la Paume

Courir, sauter. lancer des cailloux avec la main pour faire des ronds dans l'eau. Lancer plus loin avec un propulseur. Où s'arrête la chasse préhistorique, où commence le jeu ? Le propulseur ici c'est la raquette. Dès le Moyen-Age, des joueurs de paume utilisent des gants pour se protéger la main. Bientôt d'autres joueurs ajoutent des cordes à leurs gants pour augmenter encore leur puissance. Est-ce la naissance de la raquette moderne ?

La raquette. Le mot vient du latin médiéval rasceta : paume et même de l'arabe raha : paume de la main. Une des premières apparitions du mot se trouve chez le poète anglais Geoffrey Chaucer (1340-1400) ...."Pleyen raket to and fro". En vieux français les termes sportifs du jeu de paume, "envoyer" et "renvoyer" la balle se disent "chasser" et "rachasser". Rachasser a donné le terme flamand de "raketse" puis anglais de "racket" avant de nous revenir sous la forme "rachette" puis raquette !

Le mot est employé pour la première fois en 1314, dixit le Nouveau Dictionnaire Etymologique Larousse.

La paume devient très vite populaire. La petite histoire dit qu'elle s'est développée sur les chantiers de construction des grandes cathédrales.

C'est en jouant à la paume que Louis X le Hutin (1289-1316) attrape le refroidissement qui lui est fatal. Car la paume, "roi des jeux et jeu des rois" est un jeu français par excellence. En 1292, on compte à Paris 13 fabricants de pelote pour seulement 8 libraires. A la Renaissance, François 1er joue "au volant" et à la "courte paume" où il excelle. On compte alors 250 salles dans le royaume de France.

Rabelais dans "Gargantua" (Chapitre II) écrit, mais dans un autre contexte, le mot "smach" :

... Cet an passé, cil qui est régnera
Paisiblement avec ses bons amis.
Ni brusq ni smach lors ne dominera ;
Tout bon vouloir aura son compromis, ...


On sent l'idée de soudaineté dans ce mot que l'on ne saurait suspecter d'être franglais. Plus loin (Chapitre XXIII), Rabelais fait jouer Gargantua à la paume :

[... Ce fait, yssoient hors, toujours conférant des propos de la lecture, et se déportaient en bracque ou ès pré, et jouaient à la balle, à la paume, à la pile trigone, galentement s'exerçant les corps comme ils avaient les âmes auparavant exercées...]

Plus loin, Rabelais continue (Chapitre LV) :

[... Jouxte la rivière était le beau jardin de plaisance ; au milieu d'icelui, le beau labyrinthe. Entre les deux autres tours étaient le jeu de paume et de grosse balle...]

Et même (Chapitre LVIII) :

[... On croit le premier qui dit si l'éteuf est sus ou sous la corde...]

L'éteuf (l'étoffe ?) n'étant autre que la balle du jeu de paume. Le mot, toujours le mot ! L'humaniste hollandais Erasme n'est pas en reste et en parle comme du :

[... jeu le plus propre à exercer toutes les partie du corps ...].

Les paumiers ou joueurs de paume sont jaloux de leurs coups qu'ils ne dévoilent qu'à leurs enfants, les "enfants de la balle" ! La paume est réellement le premier "sport de masse" au sens moderne du terme. Tout le monde ou presque y joue, les plus fortunés avec une raquette, les "paysans" seulement avec la main, d'où l'expression "jeu de mains, jeu de vilains". Nous devons aussi au jeu de paume le subtil décompte des points du tennis mais encore l'expression "enlever" une partie. Le filet n'est pas tendu à ses extrémités, il est "à la traîne". Bravo au vainqueur et dommage pour celui qui a "paumé". Henri Estienne, (v 1528-1598), de la grande famille Estienne, imprimeurs et libraires, fut un défenseur de la langue française avec son ouvrage intitulé "De la précellence du langage français" paru en 1579. Page 135 :

"Nostre langage a bien sceu faire son proufit de tout et, pour trouver des métaphores non moins propres que récréatives, il en a tiré mesmement d'aucuns jeux. Mais je donneroy le premier lieu à celuy de la paume auquel on peut aussi dire la nation françoise estre plus addonnée qu'aucune autre, tesmoin le grand nombre de tripots qui sont en ceste ville de Paris ...".

Voici donc :

" Renvoyer l'esteuf" : renvoyer la balle.
" Saisir la balle au bond".
" La manquer belle" ... la balle.
" La bailler belle" ... toujours la balle.
" Que de bond, que de volées" signifie n'importe comment.
"Donner 15 à quelqu'un" c'est lui être nettement supérieur. Cité par Marot dans "Epitres", 44.

Montaigne raconte (Essais, I, 25) qu'il apprit le grec en jouant à la paume : "Nous pelotions nos déclinaisons ...".

Le terme de "hasard" était anciennement appliqué à l'une des ouvertures gagnantes du côté hasard, probablement la galerie gagnante. Shakespeare, "Henri V", acte I, scène 2 :

"... frappera la couronne de son père dans le hasard".

Outre François 1er, Henri II et Charles IX jouent également à la paume.
"Charles, par la grâce de Dieu, roy de France et de Navarre, ... estant le Jeu de paulme l'un des plus honnêtes, dignes et salubre exercices que les grands seigneurs, princes, gentilhommes, et autres notables personnes peuvent prétendre, et qui est aujourd'hui autant ou plus usité ou fréquenté que nul autre par toutes les bonnes villes de notre royaulme, principalement en nostredite Ville et fauxbourgs de Paris ... les dites raquestes et remontrances des maîtres raquetiers avons agréé ... Donné au château de Boulongne lez Paris, l'an de grâce mil cinq cens soixante onze de nostre régne le onzième."

(Archives Nationales, 2ème cahier Y85 folio 108). Un article défend toutefois aux paumiers de recevoir dans leurs jeux les écoliers pendant les heures de classe et de prendre en paiement les livres ou autres objets de travail !

Les paumiers-raquetiers ont leurs armoiries. Dans le célèbre Armorial d'Hozier elles sont décrites comme suit : " De sable, à une raquette d'or posée en pal, le manche en bas, accompagnée de quatre balles d'argent, une en chef, deux aux flancs, et une en pointe" (Armorial d'Hozier, t XXV folio 209).

Il faut une ordonnance royale de 1592 pour fixer les premières règles en 24 articles. Une autre ordonnance toute aussi royale sera prononcée en 1629.

Une autre corporation, plutôt insolite, diffuse balles, raquettes et volants en dehors des salles de paume, c'est celle des brossetiers-vergetiers qui vendent raquettes et plumeaux pour battre les tissus et les tapis.

Henri IV, de Navarre, joue également et il faut souvent aller quérir le "Vert Galant" au jeu de paume pour qu'il s'occupe des affaires du royaume. La paume devient un jeu d'enjeux et de débauche.

La confrérie des boyaudiers est dédiée à Sainte Barbe. A Paris la corde à boyau était fabriquée en-dessous des Buttes-Chaumont.

Sous Louis XIV, la paume est mal vue par l'église et se voit un temps interdite, sauf pour la noblesse.

On trouve de magnifiques planches de dessins représentant des raquettes et des balles de paume dans l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert .

A Rouen on ne compte pas moins de trente salles de jeu de paume répertoriées entre le XVème et le X

VIIIème siécle. Les plus célèbres sont celle "des Braques" et des "deux Maures" mais encore celle "du Métayer", rue Vattier, dans laquelle Molière joua en 1643 avec la troupe de l'Illustre Théâtre.

Mais attention. Molière fait dire à un de ses personnages :

"Nous voyons ces messieurs les galants
Marcher écarquillés ainsi que des volants".

Le mot "volant" dans cette expression est à prendre dans le sens "aile de moulin à vent".

Le Jeu de Paume a hélas quasiment disparu et n'est plus pratiqué que par un petit millier de licenciés essentiellement en Picardie et au jardin du Luxembourg ... à Paris. Il a eu de nombreux descendants outre les traditionnels jeux de raquette (Badminton, tennis et squash), notamment la pelote basque et ses multiples variantes mais encore le très original jeu de balle au tambourin pratiqué en Italie et en France (Hérault) où il aurait été introduit dans les années 1850 et donc la longue paume toujours jouée en Picardie.

A propos de ces expressions imagées, gageons que le dernier siècle a apporté "Téléphoner ses coups" et "Emporter une double roue de bicyclette".



Le jeu de volant

Avez-vous déjà vu un débutant au jeu de tennis ? Il passe son temps à courir chercher la petite sphère ronde et jaune. Alors que pour ralentir la balle et, en même temps, lui donner des ailes ("Ils lachent le volant à 300 à l'heure ! ") , il suffit d'y fixer quelques plumes. Il est vain de chercher des racines ici ou là. Et pourtant...

Dans l'Antiquité on joue à un "jeu de volant" en Chine (II° millénaire avant notre ère) , le "Didochiandsi" où le pied, ou la cheville remplace la raquette. Au Japon, c'est le Hanetsuki et c'est le "Oibane" inspiré d'un jeu coréen (Jaegi-chagi ?), mais plutôt réservé aux femmes. En Malaisie et en Indonésie des jeux similaires auraient exister autrefois déjà. Sans oublier le poona en Inde. Dans la Grèce antique (le phaeninda) et chez les Incas, déjà ... parait-il.

Les Aztèques jouent au tlachtli ou ulama, sorte de jeu de paume (appelé chez les Mayas Pok-ta-Pok ?) joué avec une lourde balle de caoutchouc où il s'agit de lancer la balle à travers un anneau de pierre en jouant seulement avec le coude, les épaules, les genoux et les hanches. Les basketteurs y voient du basket ! L'empereur Axayacatl y perdit au jeu, parait-il, tout le marché de Mexico !

Les codex des indiens du Nouveau Monde sont des documents "pictographiques" réalisés en peaux ou en fibres par des scribes-peintres et concernent la littérature en langue nahuatl, l'astronomie ou l'histoire des Aztèques. Le "Codex Borbonicus" représente le dieu Xipe Totec devant un serpent en train de dévorer un homme. Dans le coin en bas à droite on distingue, nettement ?, dans un panier, un volant. Ce "Codex Borbonicus" se trouve à la Bibliothèque du Palais Bourbon à Paris. Le "Codex Mendoza" montrerait clairement également un volant (source alsacienne). La faune plumée mexicaine a donné naissance à ce que l'on peut réellement qualifier de "civilisation de la plume" : le travail de la plume, chargé religieusement (le célèbre dieu Quetzalcoatl, "Serpent à plumes de quetzal" ou encore Huitzilopochtli "l'Oiseau mouche"), donnait lieu à des vêtements magnifiques et ... à des impots.

Au Brésil, un jeu similaire, le Petecada. Un document de la fédération portugaise, hélas d'assez mauvaise qualité, montre, clairement lui, un personnage tapant à l'aide d'une batte sommaire dans une boule d'étoffe d'où dépassent quelques plumes.

Il manquait une origine mythologique au Jeu de Voant. René Mathieu en invente une de toutes pièces lors du banquet des championnats de France 1955 :

"[...] Un Amour, fils de Vénus et d'un mortel, entre un jour en étourdi dans la demeure de Diane : là le jeune téméraire ose s'armer d'une flèche et fait mine d'en vouloir percer les compagne de la chaste déesse. Il accompagne l'insulte d'un rire moqueur. A la seule vue des armes sacrilèges, les nymphes éprouvent une frayeur mêlée d'indignation [...]. Aussitôt elles se précipitent sur cet Amour, plus imprudent que coupable [...]. Elles le frappent, le meurtrissent sans pitié, se le renvoient l'une à l'autre [...] au point que l'infortuné tombe sous leurs coups, victime de sa folle audace.

Une de ces nymphes cruelles, pour ériger un monument à leur victoire, enlève du carquois le morceau de liège qui en formait le fond, perce plusieurs trous [...] et arrachant les plumes que l'Amour portait aux ailes, elle les fixe sur ce liège et fabrique ainsi le premier volant [...], emblème de la légèreté du beau sexe.

L'arc est aussi transformé en raquette, et de là s'est répandu chez les humains le jeu de volant [...]."

Sous François 1er, le jeu de volant est aussi appelé coquantin, du nom du volatile qui prête ses plumes au bouchon. Mais le jeu est pratiqué dans toutes les provinces. En Anjou il se nomme "grièche", peut-être en l'honneur des plumes de la pie grièche. Dans le Lyonnais, c'est le "picandeau". En Champagne, c'est le "pilvotiau". On joue au Volant dans toute l'Europe : en Allemagne (le Federballspiel), en Suède (le Fjaderboll) et en Belgique (le Pluimball).

Charles Maximilien, futur Charles IX (1550-1574) , lui, est représenté à l'âge de deux ans, tenant un volant et une raquette, par Germain Le Manier (Musée Condé à Chantilly).

Plus tard, au XVIII° siècle, en France encore, on joue toujours au "volant" dans les salles de jeux de paume mais bien évidemment sans rebond, à la volée, dans l'espoir "d'épater la galerie" où se trouve le public.

La Marquise de Sévigné écrit quelque part dans une lettre :

[J'ai joué au volant et à mille autres petits jeux...]

Christine 1ère (1626-1689), reine de Suède, s'intéresse aux lettres et aux arts, fait venir Descartes à sa cour et , aussi, joue au volant. On peut même parler, en ce qui la concerne, de passion. Elle fait bâtir un court de volant et prend pour partenaire les grands personnages de sa cour qui bien souvent doivent tomber perruque et manteau pour jouer avec Sa Majesté. C'est ainsi que Samuel Bochart (1599-1667), théologien protestant rouennais, fait les frais de cette "royale passion".

A une époque où les rois d'Angleterre doivent publier de nombreuses ordonnances pour interdire la pratique d'un "foutbale" (ou ffotebale) primitif mais déjà très violent, le volant présente une image plus apaisante. Si l'on doit en croire les tableaux de Watteau et Chardin, ainsi que les diverses lithogravures représentant le jeu de volant, celui-ci est joué essentiellement par des demoiselles endimanchées, souvent des bébés angelots, ou de jeunes seigneurs "bien gentils" et poudrés. Toute trace de virilité semble exclue.

Frédéric de Prusse, s'accroche avec son grand oncle, Frédéric II, à propos de la chute répétée d'un volant sur son bureau. Apprentissage du métier de monarque ...

Garsault dans "l'Art du paumier-raquetier" publié en 1767 précise que l'on peut jouer au volant à huit mais que le beau jeu se pratique à quatre ou six joueurs. Il donne encore des précisions sur le volant ("le cul a deux pouces de diamètres"), sur le service, ("comme à la paume") et sur le jeu ("on ne doit pas toucher les murs").

C'est dans la Salle du Jeu de Paume, le 20 juin 1789, que Bailly et tous les députés du Tiers-Etat prononcent leur fameux serment de ne pas se séparer avant d'avoir donné une Constitution à la France. "Nous sommes ici par la volonté du peuple et n'en sortirons ...".

Pendant la Révolution, les "Merveilleuses" jouent au volant pour la plus grande joie du comte de Rivarol qui poétise :

"Que ne suis-je volant pour caresser des seins aussi généreusement découverts et venir m'étendre au pied des belles".

Sous l'Empire, la vogue du volant se poursuit. Il est utilisé dans l'éducation des enfants et notamment des jeunes filles car il développe l'habileté (!!!). Les raquettes sont constituées d'un bois mis en forme dont le manche est formé des deux bouts réunis côte à côte. Le cordage est fait en ficelle huilée ou en boyau, le volant est constitué de 7 plumes colorées (chez Chardin).

Juste retour étymologique puisque le mot corde vient du grec Khordê qui signifie boyau !

Vers 1830, l'ecclésiastique anglais Thomas Arnold, principal de l'école de Rugby, introduit le sport parmi les activités au même titre que la discipline religieuse et morale et que la culture intellectuelle. Pour être honnête il faut tout de même préciser que les carrières ultérieures des étudiants des public schools ne dépendent absolument pas de leur éducation "scolaire" au sens où on l'entend maintenant. Rugby servira longtemps de modèle aux autres public schools d'Angleterre. Le sport (du vieux français "desport", passe-temps, divertissement, plaisir) dont le vocabulaire est essentiellement anglais devient "moderne".

Plus tard, en 1874, chez Emile Zola dans "La Conquête de Plassans" c'est le jeune abbé Surin et deux jeunes filles de la bourgeoisie (aixoise, dit-on) qui échangent quelques volants :

"[...] Ils sortirent et la partie la plus agréable du monde s'engagea. Les deux demoiselles commencèrent. Ce fut Angéline qui manqua la première le volant. L'abbé Surin l'ayant remplacé tint la raquette avec une adresse et une ampleur vraiment magistrales. Il avait ramené sa soutane entre ses jambes ; il bondissait en avant, en arrière, sur les côtés, ramassait le volant au ras du sol, le saisissait d'un revers à des hauteurs surprenantes, le lançait roide comme une balle ou lui faisait décrire des courbes élégantes, calculées avec une science parfaite [...]".

Quelques unes de ces dernières anecdotes sont tirées de "Sports et Jeux d'Adresse", ouvrage écrit par Henry René d'Allemagne et paru chez Hachette au début du siècle. Elles ont été maintes et maintes fois citées, notamment par Alain Citolleux. On ignore cependant quelles étaient les règles précises de ce jeu de volant. S'agissait-il d'envoyer et de renvoyer le plus longtemps possible le volant sur l'adversaire devenu donc partenaire ?

Alain Citolleux parle d'un Docteur Siffointe qui possèderait "une très belle collection de gravures et d'images provenant de confiseurs du siècle dernier". Avis aux collectionneurs ...

Le jeu anglais des rackets (ou raquets) donne progressivement naissance au squash et au Badminton, eux-mêmes ancêtres du "lawn-tennis" moderne. Une nouvelle fois l'Angleterre Victorienne est à l'origine de la codification d'un jeu sportif.



Mythes et réalités de "l'invention" du Badminton

Vers 1845, il existe déjà un jeu appelé "Battledore and Shuttlecock" soit "battoir et volant" (le mot battledore est aussi parfois traduit par "batte"). Les battoirs sont des raquettes tendues de parchemins. Dans ce jeu les joueurs, plus qu'adversaires sont partenaires et comptent les échanges. Vers 1850 le tamis remplace le parchemin par trop bruyant.

1855. Lord Raglan, Baron James Henri Somerset, né à Badminton (1788), maréchal et commandant des troupes britanniques ... meurt du choléra devant Sébastopol pendant la Guerre de Crimée. Le fameux col raglan vient donc de Badminton où l'on pratique surtout le cheval et où se déroule chaque année encore un concours d'équitation.

Badminton (Gloucestershire). Partant de Londres vers l'ouest, vous passer par Reading, Newbury, Marlborough, Chippenham. Une dizaine de miles avant Bristol, sur votre droite se trouve le château de Badminton, propriété de la famille Somerset, les ducs de Beaufort.

1860. Isaac Spratt, un fabricant de jouets londonien, publie "Badminton Battledore - Un nouveau jeu"

Années 1860 : des colons anglais découvrent le jeu indien de "Poona" , du nom d'une ville près de Bombay. Mais on y joue également à Madras et à Calcutta sur un vaste terrain en forme de sablier où s'affrontent des équipes de 2, 3 ou 4 joueurs. Pas de volant mais une balle légère faite de duvet aggloméré.

Pour la grande histoire, c'est de Poona, siège multiséculaire de l'intégrisme hindou, essentiellement anti-musulman, que partiront au début de l'année 1948 les assassins du Mahatma Gandhi.

1867. Une mystérieuse photographie prise en Inde, à Madras, montre un jeu qui ressemble au Badminton avec des lignes de service clairement visibles ! Cette photo fut prise par le grand-père de C H Cummins et est parue dans "Badminton Now" de février 1989. C'est actuellement la plus vieille trace photographique du Badminton.

On peut fixer, grosso modo, le début du "sport" en France à 1870-71 et la défaite de Sedan. La république naissante n'aura désormais de cesse de vouloir affirmer sa grandeur, son rayonnement et son désir de revanche en développant les sociétés gymniques, de tirs et autres "bataillons scolaires", ce que les historiens appellent "l'âge de l'instituteur, du gymnaste et du militaire".

1873. En novembre, d'après certaines sources. Première partie "officielle" de bad' à Badminton House (Comté du Gloucestershire, Angleterre) chez le duc de Beaufort, avec John Loraine Baldwin. Les dates varient énormément. L'IBF dans sa pochette "IBF /96 Olympic Badminton Souvenir" parle des filles du Duc de Beaufort ... Hypothèse reprise par la BAE ("Know the game : Badminton") :

"Il est connu que vers 1860 les filles du Duc de Beaufort ont joué au "battoir et volant" dans le grand hall de Badminton House, le siège de la famille Somerset, dans le Gloucestershire, Angleterre. Pour ajouter un peu de variété, elles installèrent une corde à travers le hall de la porte jusqu'à la cheminée et le but du jeu consistait à tenter de maintenir le volant en jeu en se l'envoyant par-dessus la corde. On croit que Mr J L Baldwin suggéra qu'il serait plus amusant que le volant soit frappé loin au lieu d'en direction du joueur de l'autre côté de la corde. Le Badminton sportif était né."

Jeu de battoir et volant (battledore and shuttlecock) : les deux adversaires sont plutôt partenaires et se font des envois et renvois interminables. Sur un battoir tendu de parchemin, à Badminton House, on peut lire : " Henrietta Somerset en février 1845 a fait sans discontinuer 2018 échanges avec Beth Mitchell" (rapporté par Guy Bonhomme). Ces échanges s'accompagnaient fréquemment de comptines.

Bernard Adams, l'auteur de "The Badminton Story" écrit dans son introduction : "There are many mysteries about the exact origins of the game of badminton". La traduction est ici inutile.

Parmi les légendes tenaces et folkloriques figurent celles-ci : deux officiers de l'Armée des Indes, à l'issue d'un ... bon repas, se renvoient à l'aide d'une raquette de tennis ... des bouchons de Champagne auxquels ils ont fixé quelques plumes ! Ou alors c'est le Duc de Beaufort qui annule, à cause de la pluie, le tournoi de volant prévu dehors, et le fait jouer dans le hall de son château. Pourquoi pas, après tout ? Les éléments du jeu existent, ce qui compte ne sont-ce pas les règles du jeu ?

Ces deux légendes circulent sans qu'il soit désormais possible de trancher. Même les anglais ont cessé de chercher la vérité à ce sujet. Elles semblent largement contradictoires. Dans la première hypothèse l'invention est-ce le volant ou une réminiscence du volant ? Quant à la deuxième, la survenue de la pluie en Angleterre est, qui plus est en novembre, un phénomène relativement fréquent. De la première légende le Badminton a retenu du jeu de Poona le filet, tradition indienne oblige, et le volant ... improvisé. De la seconde, l'élément capital du Badminton, celui qui le distingue à tout jamais du jeu de plage : le Badminton est un jeu, un sport EXCLUSIVEMENT d'intérieur !

Pour en finir une bonne fois pour toutes avec ces légendes on peut admettre que la première est la plus souvent citée, surtout en France. A cause du lobby des exportateurs de Champagne. La citer en répétant une légende non vérifiée (non vérifiable) ne peut contribuer rétrospectivement à la rendre exacte. Le jeu de volant existant depuis longtemps, le Badminton serait donc un compromis de volant, de poona et de racket.

Norbert Hélias, un des penseurs de notre siècle, écrit dans "Sport et Civilisation" et clot le débat :

"[...] Dans les ouvrages d'histoire, l'histoire des sports est souvent présentée comme une série d'activités et de décisions quasi accidentelles qui sont le fait d'un petit nombre de gens. [...] Tout ce qui diffère du schéma "ultime" ou tout ce qui lui est contraire est souvent tenu pour non pertinent et laissé dans l'ombre. [...] Or, ce que l'on cherche dans l'étude de l'histoire d'un sport ne consiste pas en des activités isolées d'individus ou de groupes [...] mais bien en un modèle séquentiel de changement dans l'organisation, dans les règles et dans la configuration même du jeu [...]".

Les règles spécifiques du jeu ce sont la forme du terrain, le décompte des points, la hauteur du filet, la taille de la raquette, la forme du volant ... et autre position au service. En adoptant le volant le rebond s'excluait automatiquement. Le jeu lui-même, d'une durée raisonnable, maintient une tension optimale, sans "engendrer de situations où il est impossible de conclure" (Norbert Hélias). Il n'y a pas de match nul !

Le terrain est souvent en forme de sablier. Quant à ses dimensions elles varient suivant le nombre de joueurs qui peut monter jusqu'à huit !

Le jeu justement est codifié en 1877 par le colonel H.O. Selby à Karachi (actuel Pakistan). D'autres sources, plus sérieuses, parlent de 1876 et de règles établies par Henri Jones.

Henri Jones est journaliste, rédacteur en chef du journal "The Field". C'est lui qui publie dans son livre "Les jeux de lawn-tennis et de Badminton" les premières règles sous le pseudonyme de Cavendish. Concernant le Badminton il donne un plan précis du court et des indications sur les volants selon que l'on joue en intérieur ou en extérieur. C'est lui aussi qui organise en juillet 1877 le premier tournoi de "tennis" de Wimbledon dont le vainqueur est un certain Spencer W Gore. Tennis toujours : premiers "Internationaux des Etats-Unis" à Forest Hill en 1881.

Décidément la filière indienne du Badminton est tenace car la légende veut que ce soient deux retraités de l'Armée des Indes, S S C Dolby et J H E Hart, qui développent le jeu dans les stations balnéaires anglaises des côtes de la Manche (Folkstone, Bath, Bognor ...). Bientôt Londres va suivre : Crystal Palace, Ealing ...

L'Encyclopedia Britannica (11ème édition - 1911) donne à la rubrique Badminton : "Le jeu apparait avoir été pratiqué en Angleterre vers 1873, mais avant cette époque il était pratiqué en Inde où il est toujours très populaire".

1874. Sous l'appellation de "sphairistike", le major Walter Clopton Wingfield adapte le jeu de paume au plein air et au gazon (brevet déposé le 22février 1874 à la Chambre des Métiers de Londres) et le propose pour cinq guinées. Ce jeu est vite appelé "Lawn - Tennis" ("tennis", du vieux français "tenetz" ).

Qui dit raquette parle de cordage. La petite histoire de l'entreprise Babolat rapporte qu'en 1875, Sir Bussey, fabricant de raquettes, vient à Lyon demander à Pierre Babolat s'il est possible de faire des cordes de ... violoncelles de 21 pieds de long ! Quelques essais plus tard nait le premier cordage de tennis.

1877. Un nouveau bouquin :"Lawn-Tennis and Badminton" écrit par J Buchanan. L'année suivante un autre portant le même titre est publié mais écrit par Julian Marshall.

1878. Le premier club français de tennis est créé à Dinard. Mais d'autres sources le situe au Décimal Club à Paris.

1878. Création du premier club américain de Bad', le New-York Badminton Club qui devient bien vite le rendez-vous de la haute société.

Années 1880. Apparition d'un "sport de salon" : le tennis de table joué avec une raquette de volant et une balle en liège. Comme on y joue aussi avec une raquette du genre tambourin, le bruit fait "ping" mais aussi "pong". Le nom "Ping-Pong" est déposé.

La BAE, Badminton Association of England (Fédération Anglaise) est créée en 1893 (le 13 septembre, à Southsea près de Portsmouth, début de la réunion à 2 H de l'après-midi) par les 9 clubs présents et adopte des règles de jeu enfin unifiées. Le premier président de la BAE sera le colonel S S C Dolby.

La première compétition internationale de Badminton a lieu à Guildford en 1898. Le "All England Championships" est créé en 1899 et disputé le 4 avril, Buckingham Gate à Londres. Le club actuel le plus ancien, parait-il, est le Newcastle Badminton Club fondé le 24 janvier 1900 (??).

1903. Premier match international : l'Angleterre bat l'Irlande 5 à 2 à Dublin.

Le créateur des Jeux Olympiques modernes, le baron Pierre de Coubertin, a passé une grande partie de sa vie dans la région bolbécaise, au château de Mirville dans le Pays de Caux. Conseiller municipal, il fut non seulement créateur de la "Revue du Pays de Caux", une publication littéraire et politique, mais encore, parait-il, le précurseur du lawn-tennis sur la côte cauchoise. Le journaliste Denis Chambrelan poursuit dans le "Courrier Cauchois" :

Humaniste et pédagogue, il découvre dans les universités d'Amérique du Nord un enseignement nouveau qui le conduit à sa célèbre formule de "l'alliance de l'esprit et du corps par la pratique du sport". Ce que l'on sait moins, c'est que, en 1897, s'est tenu à l'Hôtel de Ville du Havre le Congrès Olympique. Ce Congrès avait pour but d'établir le bilan des Jeux d'Athènes de l'année précédente.

Le baron Pierre "oublie" le Badminton. La paume fera une timide apparition aux J.O. de 1908 à Londres (vainqueur, l'américain Jay Gould) ainsi que les "rackets". Et le tennis dès 1912 ...

L'IBF, Fédération Internationale est créée en 1934. Il faut attendre 1972 pour voir, aux J.O. de Munich le Badminton en sport-démonstration. Sport démonstration il l'est encore en 1988 aux J.O. de Séoul en Corée avant son entrée, à part entière, à Barcelone, en 1992, mais sans le mixte qui n'apparait qu'à Atlanta en 1996.





Le Badminton dans la Peinture

Le Badminton, ou plutôt son ancêtre le jeu de volant, n'a pas laissé une place considérable dans la peinture, il faut bien le reconnaitre. Il faut même souvent chercher avec une loupe. Mais le sport dit moderne est lui-même absent chez les grands maîtres et pour cause.

Mrs Heather Nielsen, archiviste de l'IBF, nous signale cependant quelques oeuvres. (contact : Heather Nielsen, Quintas, Reigate Road, Leitherhead, Surrey KT22 8QY, England). De son côté la normande de La Frénaye, Lilane Leber possède une remarquable collection de cartes postales. Sans oublier Bernard Lechalupé de Barentin.

Nos recherches trop rapides ne nous ont pas permis de découvrir toutes les oeuvres. Séquence "Peinture" :

Philippe de Champaigne (ou Champagne). Bruxelles 1602- Paris 1674. Ecole flamande. Il peint un Louis XIV jeune tenant une raquette et un volant (Château d'Amboise).

Nous avons évoqué déjà Germain Le Manier peignant Charles IX enfant.

Chardin (Jean-Baptiste Siméon). Né à Paris en 1699, mort à Paris en 1779. Outre "L'Enfant au toton" et "La Pourvoyeuse" sans rapport abec le Bad', il a peint une "Jeune fille au volant" visible à la Galerie des Offices à Florence en Italie. C'est une oeuvre d'atelier mais signée. L'original, si l'on peut dire, daté de 1737, a été acheté en 1905 par le Baron Henri de Rothschild. L'original a navigué pas mal en Russie chez les tzars.

Chardin est encore le peintre du tableau "La Gouvernante" (46 cm X 37,5) publié dans France Badminton n°22. Cette oeuvre est double également. La première (1738) se trouve à Ottawa à la Galerie Nationale du Canada depuis 1960, et fut gravée dès 1739 par Lépicié. La seconde (45,5 cm X 35), une copie retrouchée probablement (1745?), à Tatton Park, autrefois dans la collection de Lord Egerton (National Trust). "La Gouvernante" fut bien accueillie au Salon de 1739 par la critique qui fit de Chardin un "rival de Rembrandt et de Teniers".

Lépicié (François Bernard). (Paris 1698- Paris 1755). Graveur et historien d'art. Il grave "d'après" Watteau, Teniers ... et surtout Chardin. Secrétaire historiographe de l'Académie à partir de 1737. Au dessous de sa gravure "façon Chardin" on peut lire (grammairien s'abstenir) :

"Sans souci, sans chagrin, tranquile en mes désirs,
Une Raquette et un Volant forment tous mes plaisirs."

Sur une autre gravure du temps un jeune chevalier a bien bien du mal à tenir tête à deux dames dans une partie à trois. La légende est savoureuse :

"On voit souvent une coquette,
Par un air adroit et charmant
Echauffer plus un jeune amant
Que le volant et la raquette."

Le peintre hongrois Adam Manyoki (1673-1756) représente dans une oeuvre le Prince Sulkowsky de Pologne avec une raquette et un volant.

Duplessis-Bertaux (Jean Alphonse). Paris 1747-Paris 1819. C'est plutôt un graveur. Collaborateur d'autres grands noms : Monnet, Prieur... il a peint une aquarelle intitulée "Le Volan" (!)

D'autres artistes sont cités comme ayant dans une oeuvre peint, qui une raquette et un volant, qui des joueurs. Parmi ceux-ci :

Fragonard (Jean Honoré). Grasse 1732-Paris 1806. Un "Grand" du XVIII° siècle.

Denis (Maurice). Né à Granville (Manche) en 1870, mort à Paris en 1943. Groupe des nabis (Sérusier...). Un Musée à Saint-Germain en Laye (région parisienne) à la Maison du Prieuré. un tableau "Jeu de Volant" est visible au Musée d'Orsay à Paris.

Renoir (Auguste). Né à Limoges en 1841, mort à Cagnes sur mer en 1919. Il est un des principaux créateurs du mouvement impressionniste. Nombreuses oeuvres parmi lesquelles "Jeunes filles jouant au volant". Cette oeuvre est dans la Collection Clark à New-York

Vuillard (Jean Edouard). Né à Cuiseaux (Saône et Loire) en 1868, mort à La Baule en 1940. Groupe des nabis.

Laurencin (Marie). Paris 1883-1956. Cubiste.

Bosio (Jean François). Monaco 1764-Paris 1827. "Le Volant", gravure en couleur.

Cabane (Edouard). Né à Paris le 08-01-1857. Oeuvre : "Dans le parc".

Claudine Bouzonnet-Stella, nièce de Jacques Stella (Stellaert) : "Les Jeux et Plaisirs de l'enfance".

D'autres noms circulent, inconnus des encyclopédies généralistes : Nezieze ...

"Le journal des dames et des modes" enfin, publie en 1820 une gravure intitulée "La joueuse de volant".

Des tableaux du "jeu de volant" mais pas de celui du sport-Badminton.

Les grands affichistes sportifs, de leur côté, ne semblent pas s'être exprimés sur le sujet.




Le Badminton dans les autres arts

Le Badminton n'a pas laissé un grand souvenir dans les autres arts. Cependant ...

Sculpture. L'oeuvre d'Augustin Moreau-Vauthier (1831-1893) parue dans le n°14 de France Badminton en mai-juin 1997. Sur les pelouses du Musée de Kansas City on ne peut pas rater le gigantesque volant haut de 6 mètres et d'un poids d'environ 2,5 tonnes, oeuvre de Claes Oldenburg et Coosje van Bruggen (?).

Rien au cinéma. Un court métrage intitulé "Badminton" en 1945 et, peut-être un téléfilm à la télé anglaise au début des années 80.

En littérature l'écrivain américain John Irving évoque en quelques mots le Bad' dans son livre "Le Monde selon Garp" pour en dire qu'il lui préfère les sports de contact, type lutte, et plus loin en écrivant "aussi léger qu'une raquette de badminton" ... Mais nous n'avons pas cherché très longuement.

Au début des années 80, "Tiago" Panos, William Cady et Evelyne Jeanjean ont rivalisé dans les colonnes de "France Badminton" (première mouture) pour dénicher du bad' dans la littérature. Au menu :

"Israël Potter" de Hermann Melville où apparait Benjamin Franklin.

"Le Prisonnier" de Thomas Disch.

"Les confessions d'un barjo" de Philipp K Dick.

"L'homme qui marchait dans sa tête" de Patrick Segal. Avec un badmin"G"ton.

" Les lits à une place" de Françoise Dorin (p 296)

" La Vie en plus" de Alfred Sauvy (1981) (p 250).

"La conquête de Plassans" de Emile Zola (1874 !) pour une partie de volant en plein air.

"La peste grise" de Dean Koontz.





Le Bad' dans la rue et ailleurs

Saumur possède son célèbre "Espace Badminton" du côté de la non moins célèbre MJC.

L'Université de l'Etat de Georgie à Atlanta (USA) possède, elle, son "Badminton Olympic Venue" (source IBF 96/ Olympic Souvenir).

Quelques pays ont eu la sagesse d'émettre des timbres-poste en l'honneur du Badminton : l'Angleterre (1977), la Suède (1977), l'Indonésie (1973 et 1979), la Corée du sud (1984), le Danemark (1983), Sainte-Lucie, etc. Bernard Lechalupé de Barentin est passé de peu à côté de l'exploit en 1976 en France, il n'a eu droit qu'à une flamme.

Singapour, le Japon et même Jersey ont célébré le Badminton sur leurs cartes téléphoniques. Liliane Lebert (La Frenaye) cherche désespérément pour la France.